Marina Berts

Textile Artist and Researcher

Le costard me fout le cafard

Au début du mois d’octobre 2018, j’ai participé au Salon RH à Palexpo à Genève en tant que membre du comité de l’association SR coach qui avait un stand sur place. Il était question de faire la promotion de notre association de coachs en assurant une présence dans ce salon fréquenté par un nombre important de professionnels en RH et en coaching.

Lorsque je suis arrivée sur place le premier jour, j’ai ressenti un léger inconfort. J’avais l’impression de ne pas tout à fait cadrer. J’ai évacué cette pensée en me disant « Bon, de toute façon, je suis la plupart du temps différente, je n’entre pas dans le moule » et je me suis contentée de cela. Mais plus la journée avançait, plus je me suis sentie mal à l’aise.

Puis en fin de journée, mes collègues et moi sommes allées à la soirée des exposants. Et c’est là qu’une chose m’a frappée. Tous ces messieurs étaient en costume-cravate. La plupart portaient des costumes gris ou bleu foncé avec une cravate discrète. Certains osaient même une cravate haute en couleur – bleue ou même rouge. L’effet était saisissant. Une multitude de costumes gris-bleu concentrée à la même place, au même moment. Et c’est à ce moment-là que j’ai compris l’inconfort que je ressentais depuis le début de la journée. Pour moi, le costume-cravate uniformise les personnes et les rendent peu intéressantes et peu originales. Le costume efface les différences. Et ça, ça me fout réellement la trouille et me déprime.

En effet, je pense que le costume est une excellente manière de camoufler sa différence, ou même de l’effacer. C’est un excellent moyen pour se fondre dans la grande masse et entrer dans un moule qui est exigé dans beaucoup de domaines. Tout comme l’uniforme militaire efface extérieurement toutes les différences entre les hommes, le costume-cravate rend toutes les différences invisibles. Bon, à part la cravate! Au Salon, j’avais vu que la plupart des messieurs portaient un costume pour présenter leurs produits aux stands, mais je n’y avais pas vraiment réfléchi. C’est tout simplement la règle dans le monde du business aujourd’hui : pour être crédible devant un.e client.e potentiel.le, il est nécessaire de porter un costume et une cravate. Et là, je dois me répéter : ça me fout le cafard.

Vous me direz que je suis totalement ridicule, que le costard-cravate est juste un vêtement de plus. Oui, en effet, peut-être bien. Ce sont peut-être mes peurs intérieures qui viennent me hanter, un fantôme du passé qui agite ses chaînes devant mes yeux apeurés. Mais c’est un fait que le costard me fout le cafard. Je l’ai déjà constaté à plusieurs reprises. Le costard prend la relève là où l’uniforme militaire n’est plus nécessaire.  Et le costard exclu beaucoup de monde, notamment les femmes, les enfants, les personnes à la retraite et les ‘cols bleus’. Le costume est un excellent moyen de montrer son statut, sa place dans la hiérarchie des grands. C’est aussi un moyen de montrer les moyens financiers dont on dispose. Ah, le fameux prêt-à-porter versus le fait sur mesure!

Cependant, pour moi, c’est encore et toujours une sorte d’uniforme. Uni-forme. Il n’existe qu’une forme, et cette forme est la même pour tout le monde qui veut bien porter le costume. L’habitant du costume doit se conformer à une coque vide et aux attentes que la coque fait naître. J’ai l’impression que le costume-cravate n’offre pas de place pour la différence, ni pour la créativité. Qu’en est-il – est-ce que le costume est agréable à porter? Est-ce qu’il donne suffisamment de place pour la créativité, pour le partage, pour la différence? Je ne pourrais pas répondre à cette question, étant exclue du port de cet uni-forme, dans tous les sens du terme.

Le costume, uniforme par excellence dans le business, me fout le cafard pour la simple raison qu’il rend la personnalité et la différence du porteur invisibles. Pour moi, le costume est bel et bien un uniforme, un uni-forme qui inclut et exclut mais qui uniformise tout de même. Ca me fout le cafard parce que je considère que c’est la différence qui fait avancer le monde. Leonardo da Vinci était différent, Salvador Dalí était différent, Marie Curie était différente, Albert Einstein était différent, les personnes que je rencontre en coaching sont différentes. Et la différence est nécessaire dans notre monde aujourd’hui. C’est la différence qui nous fait réfléchir, c’est elle qui bouscule nos habitudes et nous oblige de sortir de notre zone de confort. Alors, si nous devons nous vêtir d’uni-formes, quid notre zone de confort? 

Mon rêve serait d’arriver dans les locaux d’une banque ou d’une compagnie d’assurance et voir des vêtements de toutes les couleurs, autant chez les messieurs que chez les dames. De voir des vendeurs avec un style personnel, habillés de manière originale. De rencontrer des représentants fiers de leurs produits tout en se démarquant par un habillement ‘casual’, sans costume-cravate. Pour moi, la diversité et la différence sont bien plus intéressantes qu’une quelconque forme imposée. Et pour tout vous dire, un vendeur a bien moins de chances de me vendre son produit s’il s’adresse à moi en costume-cravate….

La prochaine fois que je me retrouve dans un environnement très masculin dominé par des uni-formes (donc costume-cravate), je pourrais poser la question si le costume est confortable ou pas. Premièrement confortable de manière tout à fait physique (=agréable à porter) et ensuite confortable au niveau de l’expression de l’originalité du porteur. Ah oui, ce sera une enquête intéressante qui me permettra peut-être d’éviter le cafard en découvrant des personnes magnifiques derrière les uni-formes?!

 

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