Marina Berts

Textile Artist and Researcher

La robe de mariée de Kate Middleton, duchesse de Cambridge

Dans mes activités de brodeuse d’art, j’ai vécu deux expériences magnifiques et tout à fait uniques. La première était ma participation dans le team de brodeuses qui ont travaillé sur le tissu de tulle de la robe de mariée de Mademoiselle Kate Middleton lors de son mariage en 2011 avec le Prince William, prince héritier d’Angleterre. La deuxième est le mandat d’enseignement à la Escuela de Artes y Oficios Santo Domingo à Bogotà, en Colombie.

Au printemps 2011, lorsque j’ai été sollicitée pour participer à un projet ‘très spécial’, j’étais en fin de formation à la Royal School of Needlework. Encouragée par la responsable pédagogique à l’époque, Gill Holdsworth, je suis allée à l’Atelier de la RSN pour proposer mon aide. Mandy, la responsable de l’atelier, m’a rapidement mise au courant du mandat qui avait été confié à la RSN: le tissu de tulle à rebroder avec de la dentelle mécanique, tulle destiné à la robe de mariée de Mademoiselle Kate Middleton pour son mariage avec le Prince William. 

J’ai donc été l’une des ‘petites mains’ pour la création du tissu de tulle rebrodé pour THAT dress. Le secret était absolu: je n’avais pas le droit de révéler à qui que ce soit que je travaillais sur ce projet grandiose avec d’autres brodeuses d’art. Même mon mari ne le savait pas, bien qu’il devinait ce que je faisais tôt le matin, à midi, tard le soir et à chaque moment en dehors de mes cours. Toutes les personnes impliquées dans ce projet avaient signé un contrat de confidentialité – nous ne pouvons donc toujours pas dévoiler les détails de notre participation, et ceci pendant 30 ans. Bien entendu, certaines choses peuvent être mentionnées, comme par exemple que la propreté de nos mains était absolument indispensable. Nous devions nous laver les mains environ chaque 30 minutes. Le tulle étant blanc et retravaillé avec des dentelles blanches, il était bien évidemment essentiel de ne pas mettre de taches de transpiration ou de graisse sur un tissu destiné à un mariage royal.

Puis, le travail se faisait avec de toutes petites aiguilles à coudre n° 12. Les brodeuses et brodeurs d’art confirmé-e-s savent ce que cela veut dire: avec le travail de broderie et la manipulation constante de l’aiguille avec les doigts, celle-ci a une tendance à se courber rapidement. Il arrive alors facilement que l’aiguille ne sorte pas à l’endroit exact où nous la voulons, mais toujours un peu de travers et à côté.  Le passage dans le tulle et la dentelle usait aussi la pointe de l’aiguille, et il était extrêmement important que l’aiguille se maintienne aussi pointue que possible pour ne pas rester accrochée dans le tulle, ni dans la dentelle appliquée. Par conséquent,  les aiguilles étaient changées environ chaque heure, et nous retrouvions des aiguilles droites et bien pointues pour pouvoir continuer notre travail.

Les dentelles étaient des dentelles mécaniques françaises et anglaises, et j’ai cru aussi entendre qu’il y avait de la dentelle irlandaise, mais je ne suis pas tout à fait convaincue de cela. Des motifs avaient été découpés et ensuite replacés pour créer un nouveau motif sur le tulle. Notre rôle était d’appliquer ces motifs de dentelles sur le tulle. Travailler une dentelle mécanique n’est pas facile. Il s’agit de connaître la réaction de la dentelle lorsqu’elle est appliquée. Parfois, le bord du motif se défait lorsque l’aiguille est introduite dans une plage dense, parfois le motif est très fin et ne contient que peu de matière pour permettre une application facile. Il s’agit donc pour la brodeuse d’y aller avec beaucoup de précaution, pour ne pas effilocher la dentelle comlpètement. Le travail sur le tulle était donc minutieux et délicat. En plus, nous ne pouvions pas poser les bras sur le tissu de tulle mais il nous était demandé soit de tenir les coudes en l’air, soit de les reposer sur des appuis en bois posés à côté du tissu protégé. Le tulle étant une matière très souple et presque élastique, il était très important de ne pas y mettre trop de pression et risquer qu’il ne se déforme.

Les brodeuses ayant participé à l’élaboration du tulle rebrodé n’ont pas le droit de dévoiler sur quelles parties de la robe elles ont travaillé. Je dois avouer que j’étais impatiente de voir la robe terminée lors de la retransmission du mariage à la télé. Lorsque Mademoiselle Middleton est sortie de la voiture devant l’église, mon coeur a sauté: oui, j’ai participé à cette magnifique création, et mes mains ont touché ce beau tissu et l’a rebrodé avec de la dentelle. J’étais surtout très curieuse de voir le voile, pièce essentielle de toute robe de mariée. D’une simplicité extraordinaire, il tombait parfaitement sur la silhouette de la jeune mariée. Et là, je me suis sentie très fière!

En octobre 2011, j’ai visité l’exposition de la robe de mariée à Buckingham Palace. Cela a été un moment très émouvant pour moi. J’ai pu admirer la robe de mariée de près, voir les chaussures recouvertes de tulle rebrodée, la traîne magnifique, le voile et toute la robe décorée de tulle rebrodé. Fabuleux, un moment réellement magique pour moi!

Tout récemment, j’ai découvert sur youtube.com cette petite vidéo d’une brodeuse australienne qui elle aussi a pu participer dans cette grande aventure qu’était la robe de mariée de Mademoiselle Middleton. Ce qu’elle raconte, c’est aussi mon expérience.

Participer dans l’élaboration du tissu de tulle pour cette robe de mariée fantastique a pour moi été un très grand honneur et un privilège extraordinaire. Je suis très fière d’avoir été choisie pour réaliser la broderie de la dentelle sur le tulle, ensemble avec d’autres brodeuses d’art de grand talent.

Un grand merci à Gill Holdsworth et Amanda Ewing pour leur confiance et à la RSN pour m’avoir permis de participer à cette grande aventure!