Marina Berts

Textile Artist and Researcher

Imaginez un monde différent….

Vous vous sentez peut-être différent.e et en décalage avec le reste du monde. Parfois, ou même souvent, vous ne comprenez pas les réactions des autres et cela vous désespère. Vous êtes tantôt trop rapide, tantôt pas assez clair. La plupart du temps et depuis toujours, vous vous sentez comme un extraterrestre, purement et simplement. Tout vous paraît étrange et incompréhensible. Vous vivez comme dans un épais brouillard et n’arrivez pas à vous en sortir. Oui, c’est bien cela? Ce n’est pas bizarre du tout, et vous n’êtes pas seul.e à sentir cela.

Cependant, je vous rassure, c’est possible pour vous de sortir du brouillard et d’accepter que vous êtes un extraterrestre. Parce que vous l’êtes, dans un sens! Vous êtes différent.e, pas comme les autres. Votre sensibilité est à fleur de peau. Vous êtes très joyeux.se et 10 minutes plus tard, vous êtes plongé.e dans le plus profond désespoir. Vous n’arrivez pas à vous décider de suivre qu’UNE carrière professionnelle, qu’UN loisir ou encore, de terminer le livre qui pourtant vous intéressait tellement il y a deux semaines (ce n’est plus très intéressant…). Ne vous inquiétez pas! Ceci est tout à fait naturel pour une personne comme vous. N’essayez donc surtout pas de vous changer, parce que ce serait tellement dommage de vous perdre dans l’ordinaire.  Vous n’êtes pas ordinaire, vous êtes extra-ordinaire. Continuez donc à être un extraterrestre, une personne extra-ordinaire, tout en étant conscient.e que vous l’êtes. C’est probablement votre plus grand atout dans l’existence – être différent.e et faire les choses différemment. Mais c’est difficile d’assumer nos différences, en effet, et parfois, nous avons peut-être envie de renvoyer notre particularité et notre différence à son expéditeur, tout comme Virginia que Paula Prober cite dans son blog.

Imaginons ensemble un autre monde, différent de celui que vous connaissez. Imaginez-vous ce monde. Un monde peuplé d’hommes-grenouilles à palmes ou d’humains albinos, très pâles, presque blancs, craignant le soleil et s’en protégeant à tout prix. Les hommes-grenouilles et les personnes albinos ne sortent jamais en journée. Ils ferment tous les volets de leurs fenêtres pour rendre leur habitation aussi obscure que possible. Peut-être s’enterrent-ils dans une cave profonde, pour qu’aucun rayon de soleil n’y pénètre. Ces personnes si pâles adorent les jours pluvieux et sortent allègrement lorsque l’orage gronde ou partent en plongée sous-marine dès que le soleil se couche. Ces êtres ont besoin d’ombre, d’obscurité, d’eau, d’humidité et de lumière tamisée pour pouvoir survivre et se sentir biens. S’ils s’exposent au soleil, ils se brûlent et sont très malheureux et mal à l’aise. 

Imaginez-vous que, soudain, vous apparaissez dans leur vie et dans leur société. Vous qui adorez rester allongé.e au soleil à la plage en lisant un bon livre, ou alors vous vous adonnez aux jeux dans l’eau. Dès qu’un rayon de soleil fait son apparition vous vous mettez en shorts et t-shirt et vous sautez sur votre vélo. Ou votre loisir préféré est peut-être la course à pied en plein soleil, la culture de légumes dans votre potager ou pourquoi pas la pêche sur un joli petit lac en journée. Mais vous n’aimez pas la pluie ni l’humidité, ça vous rend triste et vous prenez froid.

Imaginez-vous ces deux mondes qui se rencontrent. Un véritable clash, n’est-ce pas? D’un côté, un être (vous) qui aime la lumière et le soleil. De l’autre, des êtres qui préfèrent la pluie, l’eau et l’obscurité. Pour vous intégrer dans cette société, vous proposez peut-être à ses habitants des activités qui vous plaisent à vous, pour pouvoir les partager avec eux. Vous aurez peut-être envie de faire sortir ces personnes pâles parce que – selon vous – elles ont besoin de lumière et de soleil. Et de l’autre, les hommes-grenouilles et les personnes albinos vont vous proposer des sorties sous l’eau, ou le soir lorsque le soleil s’est déjà couché. Ces personnes ne vont pas forcément comprendre votre comportement inhabituel ni vous le leur. Pour elles, sortir au soleil, cela ne provoque que de la souffrance, des brûlures et de l’inconfort. Pour vous, c’est important d’évoluer à la lumière du jour. Il n’est donc pas toujours facile de faire co-habiter les deux approches et cela exige beaucoup de respect de l’autre et de tolérance envers la différence pour réussir.

Imaginez-vous donc ce qui se passerait si les hommes-grenouilles ou les personnes albinos essayaient de vous suivre, ou si vous faisiez constamment comme elles – qu’est-ce que cela donnerait? Probablement un réel mal-être des deux côtés, causant beaucoup de souffrances, de colère et de ressentiments. Certains hommes-grenouilles ou personnes albinos vous suivraient sur votre barque pour pêcher, et malgré toutes les précautions prises (vêtements couvrants, grands chapeaux, gants en coton, crème solaire), elles se retrouveraient le soir le visage rouge et brûlé. Et si vous vous enterriez dans leur cave toute la journée, vous seriez très probablement en manque de lumière, vous seriez peu confortable et incapable de vous accommoder au manque de ce qui est essentiel pour vous: la lumière du soleil. C’est un fait: l’ombre n’est pas votre milieu, et le soleil ne convient pas du tout aux personnes de cette société.

Bien entendu, vous pourriez faire plein de choses : construire des terrasses ombragées, inventer des vêtements très couvrants ou des crèmes solaires super-efficaces et j’en passe, cela changerait peut-être les choses sur le plan pratique, petit à petit. Mais la réalité resterait pourtant la même : les habitant.e.s de ce monde auraient toujours une peau très sensible et se brûleraient lorsqu’ils.elles sortiraient en journée, sauf sous la pluie. C’est la nature de ces personnes, elles sont tout simplement faites comme cela. Tout comme vous, elles sont conditionnées par leur physique, par leur entourage, par une quantité de choses que nous ne connaissons peut-être pas mais qui sont là et qui ne sont pas faciles à changer.

Imaginez-vous donc qu’au lieu de vous débattre contre la nature des habitant.e.s de ce monde étrange pour vous, vous l’accueilliez tout en acceptant que ces personnes ne pourront jamais vous accompagner dans votre course ni dans votre potager? Que ces personnes ne comprendront jamais votre envie de courir au soleil ou de pêcher en pleine journée? Que les moments partagés seront toujours, ou presque, à leurs conditions, puisqu’elles sont en majorité et que la société leur est adaptée? Cela ne vous empêche pourtant pas de passer du bon temps avec elles, de temps en temps, tranquillement dans l’ombre. Parce que certaines de ces personnes sont tout simplement fascinantes et passionnantes, croyez-moi. Peut-être que certaines viendront avec vous dans votre jardin, tout en restant sagement dans l’ombre profonde d’un chêne touffu, bien protégées du soleil, mais sans gratter la terre.

Ce que je veux dire avec cela, c’est que le partage existe, même entre personnes très différentes, à condition que chacun.e soit prêt.e à faire un pas vers l’autre. Et c’est cela qui est le plus difficile.

Être différent.e ne signifie pas que vous devez évoluer seul.e sur votre barque ou gratter la terre seul.e. Vous aurez peut-être besoin de convaincre un homme-grenouille ou une personne albinos de venir avec vous dans la lumière, de lui proposer des solutions viables pour elle, dans le but qu’elle puisse vous suivre en toute confiance. Cela n’est pas impossible. Mais c’est à vous d’en faire l’effort. Ou si vous tombez sur la perle rare, elle va faire des efforts à son tour parce qu’elle vous trouve exceptionnel.le.

Et pourtant, c’est impossible pour vous d’abandonner votre amour de la lumière. Ne le faites surtout pas! Abandonner votre être profond et négliger vos besoins à vous signifierait une souffrance certaine et durable. Restez la personne que vous êtes, même si pour l’instant vous ne savez pas exactement ce que cela signifie. Ecoutez vos besoins, dites « j’aimerais » au lieu de « je dois » et écoutez cette intuition profonde qui vous vient depuis ce qu’on appelle en anglais le ‘guts’ (vos tripes). Cherchez d’autres personnes comme vous qui aiment le soleil. Dans une société d’hommes-grenouilles ou de personnes albinos, vous n’en trouverez peut-être pas beaucoup, mais il suffit d’une ou de deux personnes semblables pour vous réjouir. Ces quelques personnes vous permettront d’avoir le sentiment d’appartenance et de partage ce qui aura du sens pour vous et vous aidera à continuer sur votre chemin.

Si vous ne trouvez pas une autre personne bien bronzée comme vous tout de suite (je sais que vous êtes impatient.e!), n’abandonnez pas l’espoir. De l’autre côté du monde, il y a peut-être une autre personne bronzée qui cherche son semblable. Ne restez donc pas dans votre coin, terré.e dans un désespoir stérile qui vous paralysera à la longue, mais bougez. Faites ce qui vous parle et ce qui vous attire. Montrez vos particularités tout en les assumant pour attirer d’autres comme vous. Ne vous déguisez pas en homme-grenouille. Déplacez-vous plutôt en barque ou en courant, allez regarder d’autres lieux et essayez de vous déplacer en plein jour. C’est bien là, dans la lumière ou en plein soleil, que vous trouverez d’autres extraterrestres comme vous!

 

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