Marina Berts

Textile Artist and Researcher

« C’est quoi votre métier? »

Début avril auront lieu les Journées Européennes des Métiers d’Art, et le journal 24heures cherchait des artisan.e.s d’art à interviewer. Je me suis proposée en tant que brodeuse d’art, et voilà qu’une journaliste me contacte! Jeudi passé, j’ai donc reçu cette journaliste qui va concocter un portrait de moi dans l’édition du 24h du 5 avril 2019. Elle a voulu tout savoir sur moi: où j’avais grandi, quelle famille j’ai et si j’ai des enfants, quelle formation j’ai, quelles sont mes expériences professionnelles et bien d’autres choses encore.

Je l’avoue – j’ai un parcours atypique. J’ai vécu dans plusieurs pays différents, je parle 6 langues et en lis encore 3 et mon parcours professionnel n’est pas linéaire. J’ai enseigné la danse jazz, j’ai travaillé avec des jeunes personnes en situation de handicap, j’ai fait de la saisie et du secrétariat, j’ai enseigné les langues, j’ai coaché des projets textiles et ai formé des personnes en broderie, en dentelle au fuseau et en tissage. J’ai travaillé dans le monde pédagogique dans un Centre de langues, et je suis aujourd’hui coach pour les personnes à haut potentiel, hypersensibles, multipotentielles et les personnes créatives ou souhaitant développer leur créativité. Ces expériences professionnelles ont été ponctuées par des périodes de chômage et des programmes d’occupation, des périodes sombres et désespérantes, mais aussi des périodes d’études, de formation continue et de moments merveilleux. Alors voyez-vous, je n’ai pas ce parcours linéaire auquel s’attend la plupart des gens. J’ai évolué selon les circonstances de ma vie. Parfois, je n’ai pas eu de choix et ai dû me plier à ce que voulait la société pour moi. Parfois j’ai eu le grand bonheur de m’éclater dans une activité remplie de défis quotidiens, de créativité et de contacts interpersonnels. 

Lorsque j’étais gamine et que les adultes me demandaient « Tu veux faire quoi quand tu seras grande? », je ne savais jamais quoi répondre. Je voulais faire plein de choses: danseuse de ballet, fleuriste, actrice, chanteuse d’opéra, cameraman et j’en passe. En fait, je ne le sais toujours pas et je ne peux pas choisir, parce que le choix implique d’exclure des choses passionnantes de ma vie. Je suis ‘grande’ depuis longtemps, et je ne me vois pas évoluer dans le même métier très longtemps. Je suis déjà slasheuse, c’est-à-dire que j’exerce deux métiers par choix, coach holistique et coach textile – bon, trois, parce que je suis aussi formatrice. Pour quelle raison est-ce que je devrais choisir soit l’un, soit l’autre? En tant que personne multipotentielle, je ne peux pas faire ce genre de choix. Je veux bien travailler dans un domaine, mais après 3 ans, je m’ennuie et ai envie de changer.

Depuis toujours, j’ai mauvaise conscience par rapport à mes difficultés de choisir un métier. Je sais ce que je ne veux pas faire – les finances, les assurances, l’administratif, la publicité, le droit, le travail rébarbatif en entreprise. Entre autres. J’ai besoin de créativité, de changements, de défis constants, de contacts humains sincères, de culture, de recherche scientifique, de travaux manuels, de problèmes et solutions, de brain-storming et de personnes réfléchissant ‘outside the box’ ou, en français, de manière non-conventionnelle. Mais ce n’est pas vraiment un métier, n’est-ce pas? Et je vois déjà certain.e.s entre vous, vous ricanez et pensez que je suis une idéaliste et une rêveuse. Peut-être bien que oui. Certain.e.s le diront, ils ont dû se conformer par nécessité. Sans doute, chacun.e a sa vie et ses choix à faire. Mais en ce qui me concerne, peut-être que j’ai besoin de justement cela – des rêves et de l’énergie positive et créatrice – pour pouvoir bien travailler? Si je suis enfermée dans une boîte rigide, comment est-ce que je pourrais être productive et rentable et me montrer de mon meilleur côté? Le problème, c’est que les employeurs potentiels ne sont pas multipotentiels et ne veulent pas engager de personnes ‘instables’ comme moi, parce que c’est bien comme cela que l’on me voit sur le marché de l’emploi – comme instable.

Pendant l’entretien autour de mon métier de brodeuse d’art, la journaliste a pris beaucoup de notes et m’a posé des questions parfois surprenantes. Lorsqu’elle est arrivée à la fin de notre entretien et qu’elle m’a demandé « C’est quoi votre métier? », j’ai été un peu surprise. Je croyais pourtant que c’était claire. Je suis multipotentielle et j’ai plusieurs métiers. Ou aucun, selon comme vous le voyez. Et franchement, j’ai toujours autant de peine à répondre à cette question. C’est quoi mon métier? Pour l’instant, je suis coach, mais peut-être que dans une année ou deux, cela changera. 

Comme j’ai beaucoup travaillé sur moi et sur celle que je suis réellement ces dernières années, je lui ai répondu avec une grande sincérité: que mon métier c’est de Découvrir, d’Apprendre et de Transmettre. Le DAT. Quel que soit le domaine dans lequel je suis. Je sais, ce n’est pas très convaincant pour les personnes qui ne sont pas multipotentielles. Cependant, c’est important de comprendre que tout le monde ne peut pas choisir seulement UNE chose à faire pendant toute la vie, seulement UNE carrière professionnelle. C’est la société toute entière qui serait gagnante en acceptant les êtres humains polymath, comme Leonardo da Vinci, les personnes qui peuvent s’épanouir dans plusieurs activités, selon les besoins et/ou les envies.  N’estce pas cela qu’on nous demande constamment, la flexibilité et la capacité de s’adapter? Mais au lieu de cela, les citoyen.ne.s sont poussé.e.s dans des cases bien définies, parce que c’est bien entendu beaucoup plus facile de les gérer si on sait où on les a.

Bref, la question « C’est quoi votre métier? » a toujours été et restera encore difficile pour moi jusqu’à la fin de mes jours, je pense. Et finalement, ce n’est pas si dramatique que cela, ne pensez-vous pas? Je suis une ‘Scanner’ selon Barbara Sher, et c’est tout à fait ok. Moi aussi, j’ai le droit de m’épanouir et exiger du respect pour celle que je suis et pour les choix que je fais, et il n’y a absolument rien de ‘faux’ avec moi. Ni avec vous, d’ailleurs, si vous aussi vous êtes une personne multipotentielle. Vous trouverez un article intéressant autour de la multipotentialité sur le plan professionnel en cliquant ici.

Marina au métier à broder

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